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Que de Science à Molloy

par bibou

Que de Science à Molloy

85 nœuds de vent de Sud-Est, c’est le score affiché à la station météo de Port-aux-Français, la veille de notre départ pour Molloy. Depuis le début des missions scientifiques (1950) et les premiers relevés météorologiques, Eole a battu les records des mois d’Avril à Kerguelen. Dans l’acaena séchée par le vent de face, qui souffle encore à près de 50 nœuds en rafale, nous transitons et traversons deux rivières, vers un lieu où d’autres scientifiques nous ont précédés. Les TAAF comptent à Kerguelen 64 missions scientifiques, mais en dehors des baleiniers norvégiens et des vendeurs d’huile de phoques américains, des chercheurs en tout genre ont précédé les militaires des Terres australes et les VAT de l'IPEV ( Institut Polaire-Paul Emile Victor), pour y faire des observations et on peut le dire pour l’époque, des découvertes. La première que je recense est en 1874, en dehors de la découverte de l’Ile par Yves de Kerguelen en février 1772, l’archipel est devenu un centre « international » d’astronomie pour l’observation de Venus transitant devant le soleil. Ce phénomène rare a lieu, par paires espacées de 8 ans, tous les 243 ans. Il permet à l’époque de calculer précisément la distance Terre-Soleil. Des Américains, conduits par Sir J-C Ross (d’où le nom du Mont) se sont installés à Molloy, des Allemands à l’Anse Betsy (pile au Nord de PAF), des Anglais au fond de la baie de l’Observatoire. Les Français, eux, ont préféré l’Ile Campbell au sud de la Nouvelle-Zélande. Sur les différents sites, il ne reste quasiment rien de leur passage, un socle de télescope, un mât, du verre cassé, des planches de bois vermoulu... Le dernier transit de Venus devant le Soleil a eu lieu en 2012 (2004 pour le premier passage), je l’ai, malheureusement, raté. L’astronomie ici ne fait toutefois pas défaut puisque le 29 avril dernier nous avons pu observer (grâce aux informations de mon frère Greg), derrière quelques nuages certes, la première éclipse de soleil de l’année. Partielle sous nos latitudes mais annulaire excentrée sur l’Antarctique dans une zone où personne n’habite : grosso modo entre la Terre-Adélie (base Dumont d’Urville) et le Dôme C (base franco-italienne de Concordia).

La baie de l’Observatoire dans le golfe du Morbihan, est nommée ainsi puisqu’elle a accueilli une expédition allemande en 1902, qui a étudié après avoir construit un marégraphe, la hauteur des marées à Kerguelen. Et c’est là que tout se lie ! Le second marégraphe de l’Archipel a été installé à Molloy en 1953, il ne reste plus qu’une cabane qui sert maintenant de cimetière de lapins aux chats du coin. La cabane, où nous allons loger, a abrité 20 ermites jusqu’en 1963, ravitaillés depuis Port-aux-Français par tracteur. Quand j’écris ces lignes le VSC « instrum » de la base, Antoine pour les intimes, fait lui aussi son observation mensuelle de la marée, mais à Port-aux-Français, où le marégraphe a depuis été rapatrié, et toutes les 4 heures, Antoine cale son instrument de mesure à chaque tip-top, que ses gentils aides veulent bien lui sonner. Pour en finir avec l’histoire des expéditions scientifiques sur les îles de la Désolation, je ne peux oublier de mentionner les Frères Rallier du Baty, qui en 1909 puis en 1913 ont rallié les Kerguelen avec respectivement "le Jean-Baptiste Charcot" et "la Curieuse" ; il y a 100 ans que ces marins de Lorient de moins de 30 ans, sans le sous, mais en quête d’aventures et de découvertes ont cartographié et inventorié les minerais de l’île ; leur histoire que je suis en train de lire vaudra peut-être un billet ; en tout cas, un hommage leur a été rendu lors de l’OP4-2013 en décembre dernier : une plaque inaugurée par le DisKer et le Dr Bachelard a été dévoilée pour ce centième anniversaire.

Sur ces digressions historico-scientifiques, il est temps de vous parler de l'objet final de la manip puisque des découvertes, la Réserve Naturelle des TAAF, compte bien en faire encore de nouvelles. Aurélie, leur agent botaniste sur place, prend des échantillons de bryophytes, des mousses que l’on ne connait pas très bien, même celles de métropole. Ce que je peux vous en dire c’est que la plante visible est l’haploïde (N chromosomes), sous la forme mâle et femelle. Ces deux derniers après fécondation de leurs gamètes, des archégones, dans l’eau, donnent un embryon qui se développe en sporophytes (2N chromosomes ou diploïde) qui aussitôt pratique une méiose (séparation des paires de chromosomes) et le cycle se poursuit. Nous avons donc prospecté aux alentours de Molloy. On en trouve au sommet de la côte 275, sur un terrain de pierres, et rassurez-vous les pluies, ici, sont suffisantes pour assurer un milieu humide à leur reproduction. Puis sautant de cailloux en cailloux, nous nous arrêtons à chaque nouvelle mousse repérée par Aurélie, tentant de ne pas nous enfoncer dans l’eau des souilles. Il reste beaucoup à faire après les prélèvements : les identifier se fera sous la lumière d’un microscope au retour sur base, les cartographier à partir des données GPS et comprendre enfin pourquoi ces souilles qui mouillent nos chaussures à chaque pas sont si nécessaires à l’écosystème des Kerguelen et de Crozet et de ces plantes primitives.

photos benjamin autric

La rivières des Américains, tout près de Molloy vous l'aurez compris, se traverse sur les rochers du torrent, avec Didier et Aurélie.

La rivières des Américains, tout près de Molloy vous l'aurez compris, se traverse sur les rochers du torrent, avec Didier et Aurélie.

La colonie de Cormorans de la Pointe Molloy, qui donne sur la Baie du Morbihan

La colonie de Cormorans de la Pointe Molloy, qui donne sur la Baie du Morbihan

La Pointe Molloy et au fond la Passe Royale, porte d'entrée de tou voyageurs/navigateurs se rendant sur l'île de la Désolation. La base de PAF est sur la gauche de la photo.

La Pointe Molloy et au fond la Passe Royale, porte d'entrée de tou voyageurs/navigateurs se rendant sur l'île de la Désolation. La base de PAF est sur la gauche de la photo.

Aurélie en prospection

Aurélie en prospection

La rivière du Sud, juste en face de la cabane Jacky, dernière étape avant le retour sur PAF à 1h30 de marche. Dans le fond la Vallé glaciare de Val Studer.

La rivière du Sud, juste en face de la cabane Jacky, dernière étape avant le retour sur PAF à 1h30 de marche. Dans le fond la Vallé glaciare de Val Studer.

L'eclipse de Soleil du 29/04/2014 depuis Kerguelen

L'eclipse de Soleil du 29/04/2014 depuis Kerguelen

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S
Trop chouette cette eclipse! Et toujours pas de neige?
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