Transit à Pointe Susanne

Enfin un petit tour hors de la base. Depuis 3 semaines, j’ai pu vadrouiller un peu, mais à la journée, partie de pêche, petit tour en chaland, dans les îles de la baie du Morbihan avec les dauphins de Comerson. Mais le site de PAF (Port-aux-Français) reste un lieu habité et peu hostile même sous ces latitudes, la civilisation occidentale s'est installée : Ti-ker (le restaurant de la base) et Totoche (le dernier bar avant l’Antarctique), CinéKer (la salle obscure du bas du monde), sont les lieux communs, où se reconstitue la vie de cette petite société qui se renouvelle chaque année. En périphérie se trouvent les cabanes, où les scientifiques vont sur le terrain récolter quelques menues informations brutes qu’ils décortiqueront ensuite dans leurs bureaux métropolitains. Nous constituons un trio avec deux mécanos de l’armée de Terre : Nicolas et Stéphane, pour accompagner Pauline et Suzanne, deux scientifiques, à Pointe Susanne située au bout d’une presqu’île de la péninsule Courbet. Par un vent à 40 nœuds nous commençons notre marche sur la presqu’ile du Prince de Galles, heureusement que nos sacs à dos nous lestent un peu. Le vent dans le dos au ¾ nous permet d’avancer mais nous déstabilise à chaque rafale. Après deux heures de randonnée, dans un désert de cailloux et escortés par quelques skuas, nous arrivons à la pointe, où siège une bucolique cabane provisoire entourée d’une colonie de manchots papous et d’une bonne dizaine de harems d’otaries dont les femelles viennent de mettre bas. Une foule de boops (petits bébés otaries) sont vaillamment protégés par leurs mères et le pacha qui nous charge dès que nous les approchons d’un peu trop près. Cela n’impressionne pas nos deux scientifiques qui s’occuperont de leurs voisins les plus proches : les éléphants de mer, des phoques d’une corpulence de près de 90 kg dès la naissance et pouvant atteindre jusqu’à 3 tonnes à l’âge adulte pour les mâles. Elles étudieront en effet, sous anesthésie générale, le métabolisme de ces grosses bêtes notamment en période actuelle de mue. Durant ma formation à l’hôpital Begin j’ai pu intuber tous les gabarits, mais je n’ai jamais pratiqué encore sur un éléphant de mer ; je retournerai à Pointe Susanne afin de suivre leurs expériences. Pour l’heure, c’est dimanche, nous découvrons les alentours sous un ciel gris et le vent, Éole toujours présent, qui fait onduler l’océan. A peu près toute la faune maritime et terrestre est représentée sur ce petit bout d’île. Otaries, ainsi que l’espèce d’Amsterdam, éléphants de mer pour nos scientifiques, manchots royaux et papous. Seuls manquent les gorfous sauteurs. Un pétrel fuligineux niche dans les hauteurs protégé du vent derrière une haie de rochers ; les cormorans nichent sur un piton proche de la côte, eux seuls et quelques oiseaux y ont accès, les protégeant des chats, lapins, souris… Un grand albatros niche dans la plaine, son envergure suffit à éloigner les skuas de ses œufs.

Ce petit transit à 2-3 heures de la base est donc fort dépaysant, et pour ma première nuit en cabane, on peut dire que nous sommes bien accueillis, même si j’ai fourni le vin (d’ailleurs je n’en ai plus beaucoup, à bon entendeur) ; nous fêtons l’Epiphanie comme il se doit avec une galette des rois : frangipane et pâte feuilletée façonnées sur place, avec les moyens du bord. Pauline, la cadette, passe sous la table, et je récupère la fève, un boulon de 10, il y en avait de plus gros mais j’ai mis mon véto de peur que quelqu’un ne l’avale de travers ou, plus probable, ne se pète une dent. Nous n’avons pas pu la comparer avec la galette réalisée par notre pâteux (Jérôme le pâtissier de la mission) ; ils ont tout mangé sur la base ! Mais cette galette avait, en dehors du boulon, une saveur tout à fait appréciable sans aucune comparaison possible et nous tenons particulièrement à féliciter nos hôtes pour leur talent culinaire en cabane et leur accueil chaleureux dans leurs appartements pour deux mois encore.

Le lendemain, nous rentrons tous trois, Stéphane, Nicolas et moi. Toujours le vent mais moins fourni ; nous avons un aperçu pendant la marche de la météo de Kerguelen en 2 heures : de la pluie, de la neige, du vent et au retour sur base une éclaircie. A Kerguelen les météos sur place sont les boucs émissaires du temps qu’il fait, mais, comment prévoir une telle variation au cours de la journée, seul Vivaldi a su en faire, en une œuvre musicale, un condensé.

Bibouker64

Manchots Papoux. Pétrels Géant désireux d'agasser les otaries.

Deux otaries en méditation, l'une subjuguée devant moi, Le Pacha devant l'océan

La cabane de Pointe Suzanne Bas

Albatros Fulgineux et Grand Albatros, je vous laisse deviner

Les manchots Royaux sur la Plage. Et même les rochers du large se prenne pour des animaux !

Une colonie de Cormorans

Merci à la Famille Roux pour cet apéritif ! Pour votre information les prochains colis (Charcuteries sèches sous vide c'est mieux, mais sinon ça sentira bon à la Poste et dans mon sac, vins, Single Malt...) sont à envoyer, via le bureau de poste le plus proche de chez vous, avant début Mars

La confection puis la galette